1) Le Sommet
des Amériques continue d’être marqué
par l’exclusion et le manque de démocratie. En tout
premier lieu, il nous paraît incompréhensible et
inacceptable qu’on continue d’exclure Cuba des forums
gouvernementaux hémisphériques. Aucune raison ne
le justifie, encore moins lorsque la totalité des pays
du continent, à l’exception des États-Unis,
entretiennent des relations normales avec cette nation souveraine.
Nous exigeons la pleine inclusion de Cuba à tout espace
continental de discussions auquel il souhaitera participer, et
surtout, la fin de l’embargo illégitime et injuste
qu’imposent les États-Unis à cette île
depuis plusieurs décennies. Nous condamnons aussi le manque
presque total, au sein de la majorité des pays de l’hémisphère,
d’avenues de participation et de consultation sociale démocratiques
autour des décisions qui se prennent pendant le Sommet
officiel et qui affectent le destin de nos nations, une exclusion
qui explique que nous soyons ici réunis au sein du Sommet
des Peuples. En ce sens, d’une seule voix nous protestons
de façon énergique contre tous les obstacles, le
harcèlement et les mesures arbitraires auxquels nous avons
dû faire face pour organiser notre sommet, à commencer
par les détentions, les déportations, les interrogatoires,
en passant par les mauvais traitements, la surveillance, le manque
de soutien et de garanties.
2) Face à
la crise profonde qui affecte le monde entier et en particulier
notre continent, laquelle crise reflète l’échec
du modèle du soi disant “libre”-échange,
il est clair que le projet de déclaration du sommet officiel
est loin de prendre en considération les changements indispensables
et urgents qu’exigent la situation qui sévit actuellement
dans le continent et le renouveau des relations hémisphériques.
Nous observons avec indignation que le dit projet a choisi d’ignorer
le sens d’une crise dont l’envergure est historique,
comme si, ce faisant, on tentait de la faire disparaître.
Derrière la rhétorique, l’ambigüité,
les supposées bonnes intentions sociales sans fondement
réel, la déclaration officielle cache la nécessité
d’un virage radical des politiques dans l’hémisphère,
et pire, comme solutions elle insiste à proposer encore
plus de la même recette, à nous servir la même
médecine alors que celle-ci est devenue en soi la maladie,
c’est-à-dire encore plus de néolibéralisme
et de libre-échange, tout en ratifiant l’appui à
des institutions anachroniques qui ont provoqué la débâcle
actuelle. Par action ou omission, le fait de laisser la responsabilité
de gérer une supposée sortie de crise à des
espaces comme l’exclusif G-20 dont l’illégimité
est indéniable, nous projette dans un cercle vicieux, comme
le reflète bien la “recette” de donner plus
de ressources au FMI, une institution que nous répudions.
Au lieu de chercher à endetter les pays du Sud toujours
plus encore, l’annulation des dettes illégitimes
que ces pays ont contractées constitue une piste de sortie
de crise qui leur permettrait de libérer des ressources
pour investir dans leur développement.
3) En tant
que “option de sortie” aux crises antérieures,
le modèle néolibéral a plutôt pavé
la voie à une crise pire encore. La sortie de la présente
crise ne peut s’envisager avec plus des ingrédients
d’une recette qui a échoué. Nous, les mouvements
sociaux et les organisations du continent, disons qu’une
autre avenue de sortie de crise est possible et nécessaire,
qui ne soit pas de réactiver le même modèle
économique voire un modèle encore plus pervers,
ni de continuer à traiter tout ce qui compose le monde
comme des marchandises, jusqu’à la vie elle-même.
Toute sortie de crise doit nous permettre de placer le Bon et
bien vivre pour toutes et tous par delà les intérêts
et profits de quelques-uns. Il ne s’agit pas de solutionner
une crise financière sinon de la surmonter dans toutes
ses dimensions, de répondre à la crise alimentaire,
à la crise climatique, à la crise énergétique,
et de garantir la souveraineté alimentaire des peuples,
de mettre fin au saccage des ressources naturelles du Sud et de
payer la dette écologique qui pèse sur les populations,
et de développer des stratégies énergétiques
durables. Si les gouvernements réunis au Sommet officiel
renoncent à aborder de façon explicite les changements
urgents qu’il est nécessaire d’opérer,
ils renoncent aussi à tout appui de la part de leurs peuples
respectifs. Nous tenons toutefois à saluer dès maintenant
l’éventualité que certains présidents
du Sud puissent, lors de la rencontre officielle, mettre dignement
à l’agenda des avenues alternatives qui coïncident
avec celles signalées par les peuples des Amériques.
4) Nous exigeons
qu’à court terme, le poids de la crise et ses coûts
ne soient pas chargés exclusivement sur le dos des peuples
travailleurs comme cela a toujours été et c’est
le cas présentement. Au lieu de rétablir le régime
économique et de consacrer des milliers de millions de
dollars au sauvetage des spéculateurs financiers et des
grandes entreprises qui ont tiré partie du système
pour ensuite en provoquer la crise, nous exigeons de sauver les
peuples, d’autant plus qu’ainsi il sera possible de
potentialiser les économies nationales et favoriser une
récupération qui permette un développement
véritable qui renverse l’ordre des bénéficiaires
en donnant la priorité à la satisfaction des besoins
des êtres humains.
5) Nous demandons
également que la crise ne devienne pas un prétexte
pour attaquer ou réduire les droits sociaux acquis. Les
droits ne coûtent rien. Au contraire, la meilleure sortie
de crise est d’élargir les droits, faire du travail
décent une réalité, et consolider les libertés
démocratiques, les droits humains, économiques,
sociaux et culturels, en commençant par garantir une fois
pour toute le plein respect des droits collectifs des Premières
Nations, et les droits de plus de la moitié de l’humanité,
en l’occurrence ceux des femmes.
6) Une sortie
juste et durable de la crise exige nécessairement de re-penser
en totalité les relations hémisphériques
et d’enterrer à jamais le modèle du soit disant
“libre”-échange. À bas les Accords de
libre-échange ! Il est essentiel de remplacer les ALÉs
qui se sont multipliés au cours des dernières années
par un nouveau modèle d’accords entre Nations qui
soit basé sur l’équité, la complémentarité,
le bénéfice réciproque, la coopération
et le commerce équitable, et de préserver le droit
au développement, le droit des Nations à protéger
leur souveraineté, leurs biens et ressources stratégiques.
Les processus d’intégration régionale qui
se construisent suivant ces principes constituent s’érigent
en leviers puissants pour faire face à la crise et promouvoir
une sortie de crise novatrice. Dans cet esprit, nous invitons
en particulier les gouvernements des pays du Sud qui dynamisent
des processus de cette nature à redoubler leurs efforts,
à maintenir leur autonomie et à persévérer
sur cette voie. Des projets pervers et hégémonisants
comme la Zone de libre-échanges des Amériques (ZLÉA)
doivent être enterrés à jamais. Nous interpellons
les gouvernements du continent, en particulier la nouvelle administration
des États-Unis dirigée par le président Obama,
à rendre explicite leur position quant à l’avenir
d’initiatives douteuses comme celle appelée “Voie
vers la Prospérité dans les Amériques”,
qui est née d’un dernier soupir des idéologues
de l’administration Bush et dont les visées sont
non seulement de ressusciter le cadavre de la ZLÉA mais
aussi de subordonner le continent et le soumettre aux politiques
et forces de sécurité de Washington. Dès
aujourd’hui et d’une seule voix, nous signifions que
jamais les peuples des Amériques ne le permettront.
7) Sous aucun
prétexte, le principe de coopération entre les Nations
ne peut cohabiter avec la militarisation de nos sociétés,
et il est inconcevable que les politiques de sécurité
de chaque pays puissent être subordonnées aux intérêts
d’une puissance externe, quelle qu’elle soit, ou encore
que l’on restreigne les droits humains et les libertés
individuelles. Nous exigeons la fermeture de toutes les bases
militaires, et le retrait des troupes militaires et de la Quatrième
flotte des États-Unis des espaces maritimes et territoires
de l’Amérique latine et des Caraïbes. Tout avenir
juste pour les Amériques exige de mettre fin à toute
forme de colonialisme dans les Caraïbes et dans l’ensemble
du continent, à commencer par mettre un terme à
la domination coloniale sur Puerto Rico.